vendredi 5 août 2016

Corvus

Perchée au faîte de l'érable, Corvus, la corneille-en-chef, lance un cri sec, commandant l'attention. Ses soldats se posent autour de lui. Roco et les autres petites bêtes s'arrêtent, se taisent, se terrent.

Corvus va parler.

Roco reconnaît parmi les soldats, ceux qui ont pillé le nids de d'autres volants. De ses propres yeux, il a vu le malin plaisir qu'ils ont à craquer les oeufs, à frapper les petits, avant de les pousser par terre et de les tuer. À plus d'une reprise, lui-même a dû rebrousser chemin, sous l'oeil intimidant, menaçant des soldats de Corvus. Toujours aux aguets, Roco a appris, dès son plus jeune âge, à faire de l'air dès qu'il les aperçoit.

C'est bien connu, les soldats de Corvus s'enorgueillissent de la terreur que provoquent leurs cris, leurs attaques. Seuls les chats-tueurs leur tiennent tête. Hier encore, à coups de bec, de talons et d'ailes, ils ont attaqué le vieux mallard, sur le bord de l'étang et l'ont tué.  Paraît-il qu'après, ils se sont pavanés, paradant autour du corps ensanglanté, en lançant des cris de victoire.

Roco s'imagine que Corvus va dénoncer le meurtre du vieux mallard : "Un acte isolé", dira-t-il, "que nous regrettons tous."

Quelle naïveté ! Corvus est ce qu'il est, par la grâce de ses soldats... Corvus parle, et parle du rôle ingrat, de la complexité du travail, des problèmes de la communauté, comme si lui et ses troupes étaient au-dessus de tout ça: de vrais colombes de paix quoi!

Déçu, Roco baisse la tête, reprend la direction du bol de graines, empruntant le chemin le plus long, celui qui longe la clôture et les maisons, celui qui a l'avantage de le protéger des attaques des soldats de Corvus.